Marie-Laure CHABUT Psychanalyste, psychothérapeute, sophrologue

INTERVIEW

mlchabut31 Par Le 04/12/2018

Interview de Marie-Laure Chabut, clown, thérapeute, psychologue clinique et psychanalyste

par Jean-Bruno GUGLIELMINOTTI - il y a 1 mois

Peut-on utiliser le clown comme un outil de développement personnel voire de thérapie ? Dans quel cadre ? Et qu'utilise-t-on quand on se situe en dehors du métier de clown et d’une recherche artistique ? Qu’est ce qui est alors recherché, qu’est-ce qui opère dans des formations de développement personnel voire des actions de thérapies "par le clown" ? Nous avons voulu en savoir plus auprès de Marie-Laure Chabut, clown, thérapeute, diplômée en psychologie clinique et psychanalyste.

 

Jean-Bruno Guglielminotti : « Marie-Laure, merci d’avoir acceptée cette interview. Tu es thérapeute, diplômée en psychologie clinique et tu es devenue psychanalyste après ta propre analyse. Tu es aussi artiste clown. Tu t'es formée par de nombreux stages clown, tu as participé à des animations de rue et tu as créé un spectacle... »

Marie-Laure Chabut : « J’ai participé à plusieurs animations effectivement et à la création d’un spectacle « Le Pêcheur d’étoiles ou comment naissent les histoires », dont la trame avait été écrite par ma prof. de clown, Pascale Henne de la Compagnie du Nez Libre. Avec mon partenaire, Florian Denis, nous avons ensuite improvisé sur cette trame pour construire les dialogues et Pascale Henne a fait la mise en scène. C’est une très jolie histoire, poétique, autour des livres, des rêves et des étoiles, pour petits et grands. Nous le jouons assez régulièrement et un vrai livre pour enfants en est même né.

J’ai également fait des vidéos en ligne sur You Tube avec René Bommelaère, psychanalyste.

Si ma prestation de clown sur ces vidéos ne me satisfait pas complètement – uniquement de l’impro., une seule prise à chaque fois, avec une personne qui ne connaît pas du tout le clown, difficile donc pour le clown de trouver sa place, mais un bon exercice et de très bons moments – elles ont au moins le mérite d’expliquer des notions psychanalytiques très importantes et de les rendre moins rébarbatives avec le regard du « clown psychanalyste »…, je l’espère en tout cas et c’est le retour que l’on a pu nous en faire. »

J.-B. G. : « Compte tenu de ton parcours et de ton expérience je suis heureux de t'interviewer à propos de l’utilisation du « clown » dans des dispositifs de développement personnel voire de thérapie. Mais avant cela, permets -moi de faire un petit « détour ».

Jacques Lecoq, fondateur de l'Ecole Internationale de Théâtre interpellait ses élèves comédiens en leur disant : "Trouve ton clown !" Hors de son contexte, cette phrase pourrait paraître "mystifiante" : chaque personne aurait en elle un clown qu'il faudrait « trouver »... Nombreux sont ceux qui se sont appropriés cette « exhortation » et qui ont par exemple proposé des stages de formation au clown mêlant pratique du clown et développement personnel, voire thérapie par le clown.

Des artistes clowns m'ont témoigné à titre privé comment leur pratique du métier de clown et de l’art du clown ont enrichi leurs expériences et a pu influencer ce qu'ils sont devenus. Être clown est même parfois pour eux un mode voire une philosophie de vie...

Cependant, les artistes clowns dissocient leur cheminement personnel de leur travail en tant que clown ou de leur recherche artistique. Pour l'artiste clown il semble qu'il s'agisse de jouer avec distance à partir de soi-même. Ce travail semble prendre notamment racine dans ce que certains nomment l'échec, ou le bide, ou la "connerie"... que l'artiste clown amplifie parfois à l'extrême !

Au premier abord l'échec, le bide, la "connerie" ainsi amplifiés ne semblent pas correspondre à ce qui serait recherché dans le cadre d'un développement personnel, voire d'une thérapie... Qu'en penses-tu ? »

M.-L. C. : « Pour moi qui, dans mes ateliers de « Théâtre du JE », utilise l’outil clown en thérapie, un des objectifs est justement que la personne puisse aller se confronter à l’échec, au bide et le vivre petit à petit de mieux en mieux. Bien sûr, je ne vais pas dès le départ l’inciter à aller vers l’échec, mais au bout de quelques séances, elle en fera l’expérience. Le but est qu’elle puisse d’abord être en capacité de vivre l’échec, puis en capacité de l’accepter comme un fait existant, puis comme un fait naturel, et enfin comme quelque chose qu’elle peut utiliser, transformer, s’approprier, sur lequel rebondir, rire et être dans la « connerie » justement face à ça. Qu’elle « s’éclate » avec son échec ! Quoi de mieux pour dédramatiser, prendre du recul ?

A partir de là, la personne peut prendre ce vécu, l’intégrer et le transposer dans sa vie personnelle, professionnelle. Bien sûr elle ne va pas aller jusqu’à la « connerie » sur son lieu de travail si elle est dans un contexte sérieux, mais tout l’apprentissage en amont lui permettra de prendre beaucoup plus de distance, de rebondir « sérieusement » ou de faire une pirouette, un trait d’humour et intérieurement elle peut aller jusqu’au bout et en rire.

A partir de là, fini le film négatif qui tourne en rond dans la tête pendant plusieurs jours, l’angoisse du jugement des autres… Le côté positif a pris le dessus ce qui n’empêche pas la personne de rectifier ce qu’elle a à rectifier si besoin dans un contexte professionnel par exemple.

Donc oui, amplifier le bide est très utile dans la thérapie aussi. »

J.-B. G. : « Il semble que le clown se soit invité dans ta pratique de formatrice et de thérapeute à tel point que tu te définis comme « psychanalyste, thérapeute-clown et formatrice ». Quelles sont pour toi les différences entre le métier de clown, l'art du clown et la pratique du clown telle que tu la proposes en développement personnel voire en thérapie ? »

M.-L. C. : « Pour moi le métier de clown est très divers si on le considère dans un sens large. A partir du moment où une personne, dans sa pratique professionnelle, se met en scène devant un public en utilisant exclusivement cet outil, elle exerce le métier de clown. Cela recouvre le clown d’anniversaire, le clown à l’hôpital, le clown de cirque, le clown-impro., le clown de théâtre, etc… quelle que soit la formation de la personne.

L’art du clown c’est tout à fait autre chose : c’est purement artistique, l’aboutissement ou le début d’un long travail, fait par quelqu’un dont le but est d’explorer toutes les facettes du clown, de son clown, l’histoire, les techniques, les contraintes, le rapport avec le public. C’est le travail d’un explorateur, il recherche tout le temps, expérimente, recommence, transforme, cherche toujours à faire mieux, à être plus juste, à découvrir. Son spectacle devient une œuvre, elle marque. Et, on le sait, le clown peut marquer aussi bien par la démesure que par son dépouillement. L’art du clown est le reflet d’un long travail extérieur sur la technique, la mise en scène et d’un long travail intérieur, au plus près des émotions, ressentis, expressions intérieures. »

J.-B. G. : « Marie-Laure tu utilises l'expression « son clown »… Il me semble que le clown n’est pas complètement sous le contrôle de l’artiste, que le clown le dépasse, qu’il peut aussi être fait clown par l’interaction avec le public, ... ? »

M.-L. C. : « Pour moi c’est son clown car chacun a un clown différent de quelqu’un d’autre. C’est d’abord en soi, avec soi, à partir de soi que le clown se construit. Dans une approche psychologique, l’état clown n’a pas besoin de public, l’état peut exister sans se montrer, juste pour la personne elle -même. Ensuite, quand la personne décide de se montrer sur scène, elle est en partie clown par le public, mais pour moi c’est une infime partie. L’artiste clown explore son état clown (interne), toutes ses caractéristiques psychiques, physiques, intellectuelles, morales, comportementales puis grâce au contact et aux réactions du public il développe ses dimensions « extérieures », des aspects qui peuvent être plus techniques. »

J.-B. G. : « Après le métier de clown et l’art du clown tu allais évoquer la pratique du clown telle que tu la proposes en développement personnel voire en thérapie… »

M.-L. C. : « La différence entre le clown en développement personnel et en thérapie par rapport aux deux premiers points serait sans doute le rapport au public et le rapport à la technique et aux contraintes esthétiques.

Dans la thérapie et le développement personnel, le public est aussi acteur, se met sur scène à son tour, s’engage, se dévoile. Il ne peut donc pas avoir les mêmes réactions que le public de spectacle qui ne prend aucun risque et reste à sa place de public.

Le public est très important dans la thérapie, même s’il a un rôle différent que dans le métier ou l’art du clown. La présence du public permet bien sûr à la personne derrière le clown de se confronter au regard des autres, à faire face à d’éventuels transferts et projections de sa part ou de la part d’un membre du public.

Le public est également observateur, il va renvoyer après le passage sur scène, ce qu’il a perçu, vécu. Contrairement à un spectacle, ici le public décortique lui aussi ses émotions, renvoie ses impressions, tout ce qu’il a vu, compris, cru, à la personne qui est passée en tant que clown et qui, surtout si elle était « dedans » n’a pas gardé en mémoire tout ce qui lui est arrivé. « Ce qui lui est arrivé », « là où ça l’a emmené pour faire référence au « ça » freudien, à l’inconscient, pas à ce qu’« elle a élaboré ».

Les retours du public ont un effet sur la personne qu’il faut aussi prendre en compte, ça aussi fait du matériel. Comment la personne reçoit ce qui lui est renvoyé ? Qu’est-ce que cela provoque en elle… ? Qu’est-ce qu’elle apprend d’elle ? Tout est intéressant.

Certaines personnes sont persuadées qu’elles ne peuvent faire rire personne, qu’elles sont inintéressantes, qu’elles ne peuvent émouvoir personne, qu’elles sont transparentes. Le clown leur permet de voir que toutes leurs croyances sont fausses. Pour l’estime de soi, ça fait du bien !

Je peux également me servir du public : par exemple lui demander d’être complètement impassible si la personne derrière le clown me parait attacher trop d’importance aux rires, aux effets positifs qu’elle souhaiterait avoir sur le public. Un public neutre peut lui permettre de se recentrer sur elle -même, sur son clown, ses émotions, son côté pétillant, son « enfant intérieur ».

Je peux demander au public d’arborer un air sévère, pas content, pour que la personne ait moins peur des transferts négatifs. En effet quand une personne est en transfert négatif avec une autre personne, elle l’exprime généralement par une attitude négative, pas sympathique, de reproche, d’insatisfaction… d’où l’air « pas content », dans un jugement « sévère ». Se confronter à cela, être face à plusieurs personnes qui n’ont pas l’air content, qui montrent un jugement négatif, quand on est sur scène, constitue un entraînement à le vivre de mieux en mieux, à ne plus se laisser influencer par le jugement négatif des autres… et donc à mieux réagir face à un transfert négatif.

Je peux demander que les membres du public parlent entre eux comme si personne n’était sur scène. Pour apprendre à exister par soi-même et à s’apprécier soi-même, c’est plutôt efficace. Bien sûr, je ne fais pas cela à des personnes qui commencent tout juste l’atelier. »

J.-B. G. : « Selon toi, il y aurait aussi d'autres différences entre le métier de clown, l’art du clown et le clown en développement personnel, en thérapie : le rapport à la technique et aux contraintes esthétiques... ? »

M.-L. C. : « Oui. La technique est importante mais réduite. Pour ma part je garde quelques bases : mettre le nez hors public, ne pas le toucher, le « regard public », l’écoute de l’autre, l’acceptation de ce que propose l’autre.

Quant à l’esthétique, elle est là parfois, surtout si la personne est dans le vrai. Dans le clown, l’esthétique, c’est la justesse, le vrai que l’on ressent, que l’on voit, la personne qui est clown et qui est vraie, sans recherche, sans calcul, le mental au repos et qui se laisse aller à ce qu’elle vit au présent, dans le plaisir. Pour moi c’est pur, c’est vrai, c’est beau.

Et le vrai, le juste, c’est la contrainte principale ici : que la personne dans son clown aille trouver cette justesse des émotions, des ressentis et nous la montre, et qu’elle aille au bout. Qu’elle soit complètement connectée à elle-même tout en pouvant revenir dans cette relation au public parfois mais pas toujours non plus.

En thérapie il est important que la personne aille surtout vers elle en premier. Elle est donc autorisée à oublier le public si c’est pour mieux aller en elle-même, plus profondément. »

J.-B. G. : « Pour mieux comprendre ton approche, pourrais-tu nous dire ce qu'est le développement personnel et la thérapie par le clown pour toi ? »

M.-L. C. : « Pour expliquer la différence entre développement personnel et thérapie je vais faire deux colonnes pour plus de clarté.

 

 

L’outil clown aide à développer ou travailler tous ces points d’autant plus qu’il y a la notion de rire bien sûr. »

J.-B. G. : « Pourquoi privilégier un travail de développement personnel ou de thérapie par le clown ? Qu’est-ce qu’autorise le clown ? »

M.-L. C. : « Les personnes qui ont peur d’un travail trop sérieux, trop « prise de tête », trop long, trop intellectuel, rébarbatif se sentent plus en confiance lorsqu’on aborde la thérapie avec le clown.

Cela casse aussi l’image, la représentation du psy. sérieux, à moitié endormi qui répond par des hochements de tête en faisant un vague « mmhh, mmhh… » ou qui ne sort jamais de son cabinet pour aller dans la « vraie vie ». C’est pour cette raison que j’ai tenu à mettre des photos de mon clown sur mon site et ma carte de visite.

Le clown démystifie, dédramatise et a le droit d’aller dans toutes les émotions tant qu’il ne nuit à personne et ne casse pas de matériel important.

Quand ils sont deux ou trois sur scène, il peut y avoir risque pour les autres surtout dans un cadre thérapeutique et surtout au début d’une pratique de clown : au départ, la personne derrière le clown est encore bien présente. Le trac peut la rendre agressive, dominante, elle peut par exemple surcompenser une trop grande réserve habituelle, ne pas être consciente des limites, être en "transfert négatif"… A côté d’elle, il peut y avoir une personne très fragile… En dehors de la thérapie, il peut aussi y avoir des clowns qui offensent la pudeur d’autres clowns (ça peut arriver en impro), qui bousculent trop physiquement… Cela peut venir de maladresse mais aussi de la personne derrière le clown qui a peut-être quelque chose à régler.

De même, le clown ne casse pas de matériel important. Dans le lâcher prise du clown, il peut exprimer une certaine énergie, une colère dans le jeu… et avoir besoin de casser des objets. Pour ma part, à une période de mon apprentissage, je cassais quelque chose presque à chaque fois : une ombrelle, un carton, une valise… c’est ce qui venait à mon clown. Normalement il ne casse que si les objets à sa disposition le permettent, mais on n’est jamais sûr, surtout en thérapie.

La personne peut se permettre de laisser sortir ce qu’elle s’interdit habituellement aussi bien par la parole, par les émotions, par les gestes, par son corps, sa voix. Elle peut utiliser plein d’outils : instruments de musique, objets, peinture, chant, danse, tableau d’écriture… tout ce qui est à sa disposition. Et il n’a pas besoin d’être « bon » en quoi que ce soit !

La personne peut passer du rire aux larmes, de la colère à la douceur, de la beauté à la laideur, de la gentillesse à la méchanceté… Une vraie liberté ! Un vrai panel de découverte de soi, de lâcher prise… »

J.-B. G. : « Comment et quand proposes-tu des « retours » à la personne qui pratique le clown dans le cadre d’un développement personnel voire d’une thérapie ? »

M.-L. C. : « Après le passage en scène, je reprends avec la personne tout ce qui s’est passé, tout son vécu : elle l’exprime, je le détaille avec elle, puis nous l’analysons, le comprenons avec le groupe. En fonction de l’avancée de la personne dans son travail, je peux être à un niveau qui va du développement personnel, à la thérapie ou à l’analyse.

L’idéal serait de filmer chaque passage pour mieux décortiquer mais il manquerait du temps, ce ne serait pas possible ou seulement occasionnellement. Je le ferai certainement un jour.

Cela renvoie plein de matériel aux autres aussi, qui peuvent ensuite poser des questions, parler de leurs ressentis, observations… toujours dans la bienveillance.

Lors de l’entretien individuel que je propose entre chaque atelier (le « Théâtre du JE » c’est un atelier collectif un mardi sur deux et un entretien individuel une semaine sur deux), nous approfondissons encore le vécu de l’atelier en faisant des parallèles avec la vie extérieure de la personne. »

J.-B. G. : « Qui sont les personnes qui participent à tes ateliers ? Comment se déroule concrètement tes ateliers de développement personnel ou de thérapie par le clown ? »

M.-L. C. : « Mes ateliers sont destinés aussi bien à des personnes ayant déjà une pratique du clown, longue ou courte qu’à des personnes qui n’en ont jamais fait et n’y ont même jamais pensé. Certaines personnes ayant déjà créé plusieurs spectacles ou des profs de clown peuvent venir travailler des aspects de leurs clowns qui bloquent à cause de problèmes plus profonds ou pour apprendre à être plus reliés à eux-mêmes.

D’autres personnes sont simplement attirées par l’aspect ludique, « décoinçant » du clown et l’envie de se découvrir.

Concrètement, dans le travail d’échauffement de l’atelier je propose surtout des exercices corporels et émotionnels : corporels par la sophrologie, les étirements, différentes marches, des postures, de la danse, de l’éveil corporel. Pour l’aspect émotionnel, cela peut aller des émotions qui augmentent à chaque passage à la personne suivante, ou à chaque passage sur scène pour le clown. Je privilégie bien sûr également le rapport à l’autre, aux autres. L’échauffement ressemble beaucoup à ceux d’un atelier classique comme j’ai pu les connaître lors des stages que j’ai fait avec un échange et une courte analyse si besoin après chaque exercice. C’est surtout lors du passage du clown sur scène que je vais, d’après ce que j’observe et ressens plutôt l’inciter à aller dans le corps ou la parole ou le rien et l’émotion. Le rire ou la poésie qui vont toucher le public viendront avec la justesse de ce qu’il donne à voir. »

J.-B. G. : « Pour finir, quelles compétences ou formations seraient selon toi nécessaires à l’intervenant pour accompagner les personnes qui s’engagent dans un développement personnel voire dans une thérapie par le clown ? »

M.-L. C. : « Pour la partie clown je pense qu’il faut évidemment avoir une pratique de clown, en stages, en cours mais aussi s’être confronté à un public, plusieurs fois, avoir expérimenté plusieurs facettes de ce contact avec le public par différentes expressions de l’outil clown que nous avons déjà évoquées : clown de rue, hôpital, anniversaire, spectacle, impro… et continuer cette pratique là au moins par période.

L’intervenant doit avoir compris les enjeux du rapport au public, l’impact du clown sur lui, les difficultés, s’être confronté au bide, à l’échec, à ses découvertes, à ses limites, à ses peurs, ses blocages… pour pouvoir accompagner en s’appuyant sur son expérience.

Pour la partie thérapie, l’intervenant doit aussi avoir suivi une thérapie et dans une durée significative, quel que soit l’outil privilégié de celle-ci. On ne peut pas s’improviser thérapeute ni praticien en développement personnel sans expérimentation solide. Il faut avoir compris et intégré les outils et les concepts utilisés dans sa thérapie mais aussi avoir assimilé son propre chemin. Ni la connaissance théorique pure, ni la thérapie seule ne sont suffisantes.

Une double formation est nécessaire. Des formations de clown-thérapie existent. Je ne les connais pas donc je ne peux pas en parler. Mais pour moi, une formation seule, sans thérapie personnelle ne conduit pas à une activité de thérapeute. Tout comme, une formation de clown seule, sans mise en situation importante et continue face à un « vrai » public (pas un public de stage), ne conduit pas à une activité de « prof. » de clown.

De plus, comme pour tout thérapeute, il faut être capable d’être dans la plus grande neutralité bienveillante possible, savoir faire les contre-transferts, reprendre ses projections, être patient, ne rien vouloir pour l’autre, ne rien attendre de lui, ne pas chercher de reconnaissance, avoir une très bonne mémoire, de l’empathie, une grande capacité d’observation, être dans le lâcher prise, savoir faire table rase, être curieux, dans l’accueil, ne pas chercher à diriger, savoir créer un climat de confiance, pouvoir gérer un groupe, les interrelations…

Pour la partie clown, trouver un équilibre entre les exigences - que l’on se définit au préalable - de la technique du clown et le besoin d’en sortir pour laisser émerger quelque chose du plan thérapeutique. Démystifier le côté thérapeute, « le tout-sachant » pour laisser aussi parfois sortir le clown en soi afin d’insuffler une énergie, montrer une voie, dédramatiser…

Savoir alterner les deux aspects « thérapeute sérieux » et « clown déjanté ». Même si dans mes ateliers, pour l’instant, je ne vais pas sur scène en tant que clown, je m’implique dans les échauffements, surtout dans les premières séances pour accompagner dans le lâcher prise, dans la non peur du « ridicule », du bide… Je n’exclue d’ailleurs pas et je pense que petit à petit j’irai de plus en plus sur scène en tant que clown avec les stagiaires dans le but de créer une émulation. Je dois encore y travailler. »